Manhattan transfer

John Dos Passos

Sortant de ma zone de confort de la littérature de genre, je me suis lancé à l’assaut d’un des écrivains majeurs du Xxème siècle avec ce premier roman en attendant de lire la trilogie USA.

Manhattan transfer

Quelques mots sur l'auteur. John Roderigo Dos Passos est un écrivain et un peintre américain.

Né dans un milieu aisé qui lui offre les meilleures écoles et précepteurs, il écrit, dès seize ans, des poèmes et des critiques dans le Harvard Monthly, puis part étudier l'art, la littérature et l'architecture en Europe à dix-neuf ans. Il entre à Harvard en 1913 et en sort diplômé trois ans plus tard. Il repart pour l'Espagne, où il étudie l'architecture. En 1917, devant le refus des Etats-Unis de s'impliquer dans la guerre mondiale, il s'engage comme ambulancier et exerce à Paris et en Italie. Lors de l'armistice, il est stationné à Paris et étudie l'anthropologie à la Sorbonne.

Dos Passos fait partie de la « Génération perdue ». Son premier roman, L'Initiation d'un homme : 1917, est publié en 1920, suivi par le pacifiste Trois soldats, qui lui vaut une grande reconnaissance. Il étudie l'art, s'inspirant de l'impressionnisme, de l'expressionnisme et du cubisme. Une exposition lui est consacrée en 1922. Il dessine les couvertures de ses livres pendant les dix années suivantes. En 1926, Manhattan transfer est un succès commercial.

En 1928, il part étudier le système socialiste en URSS. Il retourne en Espagne avec Hemingway pendant la guerre civile, mais son opinion sur le communisme commence déjà à changer. Dos Passos écrit son chef-d'oeuvre entre 1930 et 1936 : la trilogie U.S.A., qui comprend Le 42e parallèle, L'an premier du siècle et La grosse galette. Il y décrit les Etats-Unis du début du XXe siècle et leur culture au moyen d'une forme expérimentale alliant extraits de journaux, biographie, autobiographie et fiction réaliste.

Pitch. Ils durent changer de train à Manhattan Transfer. Ellen avait un gant neuf, en chevreau, dont le pouce avait craqué, et elle ne cessait de le frotter nerveusement avec l'index. John portait un imperméable à martingale et un chapeau mou gris rosâtre. Quand il se tourna vers elle, en souriant, elle ne put s'empêcher de détourner les yeux et de fixer la pluie qui miroitait sur les rails. - Voilà, chère Elaine. Oh, fille de prince, voyez, nous prenons le train qui vient de la gare de Penn... C'est drôle d'attendre ainsi dans la brousse de New Jersey.

Ce que j'en ai pensé. J’avais entendu parler de John Dos Passos à de nombreuses reprises et dans des contextes différents : comme un auteur du roman américain, à savoir des romans marquant leur époque par la justesse de leur analyse, et aussi pour son style fait de courtes vignettes.

C’est en lisant la tétralogie noire de John Brunner, particulièrement le Troupeau Aveugle, que j’ai vu la référence à ce style. En effet, comme ici dans Manhattan transfert, le récit est constitué de courtes vignettes très descriptives sur différents personnages sans liens entre eux. Au fur et à mesure, les destins peuvent s’entrecroiser et c’est au lecteur de reconstituer le puzzle.

L’objectif est surtout de parler ici de New-York, de son bouillonnement et de son rythme de vie. L’auteur était à cette époque marqué à gauche et la critique qu’il fait de la société de l’époque s’en ressent fortement avec l’antagonisme fort entre riches et pauvres, deux sociétés qui vivent en parallèle sans se croiser (ou si peu).

Ce roman est donc un portrait de l’amérique du moment, du moins sa version newyorkaise, à la manière des impressionnistes, par petites touches. De fait, les personnages que l’on ne fait qu’appercevoir ne sont qu’esquissés, c’est au lecteur de combler les vides ou de simplement se laisser guider par l’auteur. Cela fonctionne remarquablement bien et m’a fait d’ailleurs penser à un film de Mickael Hanneke, 71 fragments d’une chronologie du hasard, qui repose un peu sur le même procédé mais dans le but de provoquer la rencontre finale.

Le procédé d’écriture ne plaira pas forcément à tout le monde mais pour ma part, j’ai trouvé qu’il mettait merveilleusement bien en scène les idées du roman et je conseille donc à tous ce petit effort initial.

diaspora*
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