Les petits soldats du journalisme

François Ruffin

Dans cet essai, François Ruffin règle ses comptes avec le centre de formation des journalistes et, plus généralement, avec une certaine conception actuelle du journalisme.

Les petits soldats du journalisme

Quelques mots sur l'auteur. François Ruffin, né le 18 octobre 1975 à Calais, est un journaliste, essayiste, réalisateur et homme politique français.

Fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir, il écrit aussi dans Le Monde diplomatique et pour l'association de critique des médias Acrimed. En tant que reporter, il participe pendant sept ans à l'émission Là-bas si j'y suis diffusée sur France Inter. Il apparaît comme l'une des figures de proue du mouvement Nuit debout en 2016 et reçoit le César du meilleur film documentaire en 2017 pour son premier film, Merci Patron !. Il réalise ensuite le film J'veux du soleil avec Gilles Perret.

Il est élu député dans la 1re circonscription de la Somme lors des élections législatives de 2017, sous la bannière « Picardie debout », avec le soutien de La France insoumise, du Parti communiste français, d'Europe Écologie Les Verts et d'Ensemble !. Il siège à l'Assemblée nationale dans le groupe La France insoumise.

Pitch. François Ruffin lève le voile sur le journalisme à la française, loin de la liberté d’expression et de l’indépendance dont il se revendique. Il dénonce un système de quête du profit et de connivence avec les puissants.

Le Centre de formation des journalistes se proclamait « la meilleure école de journalisme en France et même en Europe ». Tous les ténors de la presse ont fréquenté ses bancs. Pendant deux ans, François Ruffin a suivi leur exemple : élève appliqué, il a pris en notes les conseils des professeurs et les confidences des « grandes plumes ». Il s’est coulé dans le moule, pour voir. Et il a vu.

« Dans un an, vous serez journalistes, confie un intervenant. Vous entrerez dans ce que j’appelle “le complot de famille”, c’est-à-dire des règles qui peuvent scandaliser les gens mais, bon, c’est comme ça que la machine fonctionne. » Un « complot » que ce livre met au jour : tacites ailleurs, les règles du métier sont ici affichées sans vergogne.

Comme dans un miroir grossissant, le journalisme ordinaire se révèle sans fard : la célébration du vide, le mépris du public, la soumission aux pouvoirs, la quête du profit, l’information prémâchée comme seul horizon. Un récit incisif et insolent qui démonte, pièce à pièce, les rouages de la machine médiatique.

Ce que j'en ai pensé. Avec son style habituel, assez direct et mêlant réflexion générale et expérience particulière, l’auteur s’en prend à l’école par laquelle il est passé, le CFJ. La thèse proposée ici repose sur la constatation que le travail demandé aux journalistes consistent à ne pas enquêter et se contenter de reprendre les dépêches d’agence.

Les exemples d’expériences vécues par l’auteur sont là dessus assez éloquents. Cela illustre bien ce qu’on a vu arriver dans d’autres secteurs d’activités dans les années 80 : l’irruption et la la part croissante du marketing par rapport au coeur du métier. La conséquence naturelle, c’est qu’il ne faut chercher à froisser personne et proposer un produit s’alignant sur le plus petit dénominateur commun, et donc au final, ne plus avoir vraiment d’attrait. Les journaux sont devenus des machines à placer des publicités, servies parfois par des articles de publi-reportages.

Lorsque les médias en ligne, ou certains journaux « gratuits » se sont mis à proposer les mêmes articles de reprises de dépêches, les ventes se sont naturellement effondrées sans que les propriétaires des médias n’en comprennent la raison. Les journaux avaient perdus leur âme et leur intérêt. Il est d’ailleurs intéressant de constater que ceux qui continuent à avoir une certaine audience, sont justement ceux qui ont refusé la publicité (le Canard enchaîné) ou qui restent des journaux d’opinions et qui privilégient la qualité et les enquêtes (le Monde Diplomatique).

Au final, c’est un livre assez intéressant qui montre bien de l’intérieur un des processus qui ont contribué à détruire une grande partie de la presse.

diaspora*
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