Descendre en marche

Jeff Noon

Nageant toujours dans une ambiance étrange, ce Jeff Noon ne déroge pas à son habitude de nous faire découvrir une sorte de futur assez éloigné d'une thématique d'anticipation classique.

Descendre en marche

Quelques mots sur l'auteur. Jeff Noon, né le 24 novembre 1957 dans la banlieue de Manchester et vivant aujourd'hui à Brighton, est un écrivain anglais de fantastique et de science-fiction . Il est aussi musicien, peintre et dramaturge ; Vurt, son premier roman, est couronné par le prix Arthur C. Clarke en 1994. Souvent comparé à William Gibson, le pape du Cyberpunk, il avoue ne pas lire de science-fiction, mais cultive en revanche le non-sens : ses romans sont comme hantés par le fantôme d'Alice au pays des merveilles.

Pitch. L'Angleterre est rongée par une étrange épidémie : les victimes n'arrivent plus à décoder l'information. Les mots sont indéchiffrables, les photos des assemblages de couleurs, la musique une suite de bruits hostiles. Les panneaux de signalisation évoquent de l'art abstrait. Les miroirs reflètent des inconnus monstrueux. Dans une voiture lancée sur les routes, quatre personnes, quatre paumés tiennent le coup grâce à la poudre qui atténue les effets de la maladie, au risque d'une overdose. Marlene, hantée par la perte de sa fille - coupée du monde, enterrée en elle-même - prend des notes pour résister à la désagrégation. Son but : retrouver et réunir les fragments d'un miroir, qui serait - ou pas - magique, qui serait - ou pas - à l'origine de l'épidémie, qui pourrait - ou pas - y mettre un terme. Mais la maladie gagne du terrain, et le cahier est de moins en moins fiable. Falling out of Cars est un "road novel", reflet de notre société, dans laquelle l'excès d'information engendre la perte de sens, les peurs et la solitude dans la foule.

Ce que j'en ai pensé. Jeff Noon a toujours refusé l'étiquette de science-fiction pour ces écrits. En effet, les futurs qu'ils décrient ne partent pas tant d'une anticipation technique ou scientifique mais plutôt de délires hallucinatoires dues à des drogues ou à des dégénérescences conséquentes, comme ici, à une surcharge d'information. Il s'inscrit bien dans ce que je range dans la science-fiction, à savoir la description du présent en exacerbant certains aspects pour les mettre en relief.

Là où son talent excelle, c'est pour nous mettre très rapidement dans une ambiance où l'on en vient à éccepter le plus étrange comme étant une norme tout à fait logique. Ce court roman n'y déroge pas. Il reprend ici le principe classique du road trip avec une fuite en avant sur les routes de l'amérique. Les personnages sont très bien campés en peu de mots et tout de suite très attachants.

Sur le fond, la critique de la surcharge informationnelle qui nous guette ne prendra bien entendu jamais cette forme mais le danger est probablement bien réel et provoque déjà dans la jeune génération une configuration du cerveau bien différente des générations précédentes.

Si je n'ai pas senti la même force que dans Vurt, cela reste néanmoins un très bon roman que je conseille donc vivement. Il peut être une bonne porte d'entrée à l'univers particulier de l'auteur.

diaspora*
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