Bruits de fond

Don DeLillo

Dans ce roman typique des années 80, Don DeLillo nous offre une vision d'une amérique plongée dans le consumérisme, l'omniprésence des medias et l'obsession pour ce qui touche à la mort.

Bruits de fond

Quelques mots sur l'auteur. Don DeLillo est né dans le Bronx en 1936 de parents émigrés italiens du Molise. Dans les interviews qu'il a accordées, il revient assez souvent sur l'importance qu'a pu avoir le catholicisme sur sa sensibilité intellectuelle et artistique. Il rapproche ainsi les rituels catholiques de son intérêt pour la religion qu'il décrit comme « une discipline et un spectacle, une chose conduisant les gens à un comportement extrême. Noble, violente, déprimante, belle ».

Étudiant à l'université jésuite Fordham, il n'y étudie « pas grand-chose » et se spécialise en « arts de la communication ». Il prend ensuite un travail dans la publicité, faute d'avoir trouvé quelque chose dans l'édition. Il publie parallèlement quelques nouvelles dans lesquelles l'influence du cinéma européen, et en particulier celle de Jean-Luc Godard, est très sensible. Il quitte son poste en 1964. Il ne cherchait pas, dit-il, à se consacrer à l'écriture, mais simplement à ne plus travailler.

En 1971 paraît son premier roman, Americana. Le personnage principal est un cadre jeune et beau travaillant dans la télévision, David Bell. Celui-ci semble promis à un brillant avenir, cependant, à l'occasion d'un voyage professionnel au cœur de l'Amérique, il en vient à couper les liens avec sa société et entreprend de réaliser un projet personnel, œuvre cinématographique d'une infinie complexité. DeLillo utilise son expérience personnelle, bien davantage qu'il ne le fera dans ses romans ultérieurs. Cependant, certains thèmes repris au cours de ceux-ci sont déjà abordés – ainsi l'idée d'une quête existentielle, notamment dans End Zone (1972) et Great Jones Street (1973), ses deux romans suivants.

Pitch. Les voitures passent à toute vitesse en dessous de nous, elles viennent de l'ouest où se dresse la colonne de feu. Nous les regardons comme si elles pouvaient nous donner un indice, comme si leur surface polie contenait quelques parcelles de ces couchers de soleil, un lustre particulier, une pellicule de poussière révélatrice. La voix des gens, celle des speakers à la radio ne s'élèvent jamais au-dessus d'un murmure. Nous baignons dans quelque chose de doré, dans un air d'une douceur étrange. Des gens promènent leurs chiens, des enfants roulent à vélo, un homme, avec un téléobjectif monté sur son appareil de photo, attend le grand moment. Ce n'est que lorsque la nuit est tombée que les insectes grincent dans la chaleur, que nous nous dispersons lentement, timidement, poliment, voiture après voiture,rendus à nous-mêmes et à notre solitude. Les hommes vêtus de combinaisons de Mylex et portant des masques jaunes sont encore dans les parages. Ils rassemblent leurs terribles données en dirigeant leurs instruments de mesures en direction du ciel et de la terre.

Ce que j'en ai pensé. Ayant choisi ce roman presque par hasard, je l'ai donc lu sans aucun idée préconçue et ce fut, je dois le reconnaître, une des très bonnes découvertes de cette année.

Partant d'une histoire assez banale, l'auteur nous livre une vision de l'amérique des années 80 à la fois sans concession mais non dénuée d'une certaine tendresse pour ses personnages. Le tout est remarquablement écrit, avec un style simple et limpide et un humour de situation très léger qui évite la dramatisation excessive des thèmes abordées (obsession de la mort, vacuité d'une vie marquée par un consumérisme futile, etc).

Cette amérique à la dérive des années Reagan, que l'on peut retrouver dans des films comme Sexe, mensonges et videos, Blue Velvet ou American beauty est typique des banlieues résidentielles éloignées des centres-villes proprettes en apparence, mais peuplées par une société malade.

Contrairement aux générations m'ayant succédé obsédées par la culture japonaise, la mienne a grandi avec une certaine domination culturelle américaine (le soft power diffusé par romans, films et séries). En nous montrant certains travers, ce roman participe à démythifier cela plus encore que la contre-culture des années 60-70 car ce modèle de banlieue résidentielle avait bien été importé chez nous. La contre-culture était révolutionnaire, au sens où elle s'inscrivait comme un nouveau modèle donc pouvait perpétuer le mythe d'une amérique éclairant le monde. Le pourrissement du modèle de l'american way of life (basé sur la consommation, l'abrutissement par les medias, le culte de l'apparence, etc.) a peut-être aidé au basculement d'une génération vers un nouveau modèle à suivre que nous offrait les manga qui ont déferlés sur le pays à la même époque.

diaspora*
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