Michelle Zancarini-Fournel
Construit sur le modèle de l'Histoire populaire des USA d'Howard Zinn, cet essai nous parle ici des luttes sociales de la France et des évolutions qu'elles ont pu, ou non, apporter au pays.
Quelques mots sur l'auteur. Michelle Zancarini-Fournel, professeure émérite à l’université Claude Bernard-Lyon-I, spécialiste en histoire contemporaine, a consacré ses recherches à l'histoire des milieux populaires. Elle est notamment l'auteure de L’Histoire des femmes en France XIXe-XXe siècle (PUR, 2005) et a codirigé, avec Philippe Artières, 68, une histoire collective (1962-1981) (La Découverte, 2008).
Pitch. 1685, année terrible, est à la fois marquée par l’adoption du Code Noir, qui établit les fondements juridiques de l’esclavage « à la française », et par la révocation de l’édit de Nantes, qui donne le signal d’une répression féroce contre les protestants. Prendre cette date pour point de départ d’une histoire de la France moderne et contemporaine, c’est vouloir décentrer le regard, choisir de s’intéresser aux vies de femmes et d’hommes « sans nom », aux minorités et aux subalternes, et pas seulement aux puissants et aux vainqueurs.
C’est cette histoire de la France « d’en bas », celle des classes populaires et des opprimé.e.s de tous ordres, que retrace ce livre, l’histoire des multiples vécus d’hommes et de femmes, celle de leurs accommodements au quotidien et, parfois, ouvertes ou cachées, de leurs résistances à l’ordre établi et aux pouvoirs dominants, l’histoire de leurs luttes et de leurs rêves.
Pas plus que l’histoire de France ne remonte à « nos ancêtres les Gaulois », elle ne saurait se réduire à l’« Hexagone ». Les colonisés – des Antilles, de la Guyane et de La Réunion en passant par l’Afrique, la Nouvelle-Calédonie ou l’Indochine – prennent ici toute leur place dans le récit, de même que les migrant.e.s qui, accueilli.e.s « à bras fermés », ont façonné ce pays.
Ce que j'en ai pensé. Ce pavé, près d'un millier de pages et des centaines de références, fera nécessairement date par la somme de travail qu'il représente. Pour autant, il n'est du tout indigeste et aride et sa lecture en est réellement passionnante. Il sera là pour nous rappeler que l'Histoire se fait aussi par les petites gens, paysans, ouvriers, corporations, etc. et pas seulement par les dirigeants.
Fouillant dans des archives très diverses, c'est un autre portrait de la France que nous découvrons, éclairant certains points rarement évoqués dans nos cours d'histoire. Il est d'ailleurs assez symptomatique de constater le manque de cours sur certains périodes clefs où le peuple a porté l'élan révolutionnaire aux XIXe et XXe siècle. Si l'on pense tout de suite à la Commune de Paris, on apprendra qu'il y en a d'autres en France (Lyon, Marseilles mais aussi Narbonne).
Il ressort donc du livre le sentiment que la grande majorité des avancées sociales ont été obtenues par la lutte. Le livre met également souvent en avant le rôle des femmes ainsi que leurs luttes spécifiques. Je le conseille donc à tout le monde, tant il paraît essentiel que cette histoire là soit connue du plus grand nombre. J'ai simplement regretté que ne soit pas fait mention de la création après mai 68 du centre expérimental de Vincennes (futur université Paris 8) mais ça reste anecdotique.