Kurt Vonnegut
Entre absurde et horreur, Kurt Vonnegut revient sur l'évènement qui le traumatisera à vie, à savoir le bombardement de Dresde en 1945.
Quelques mots sur l'auteur. Né de parents d'origine allemande (troisième génération), il fait ses études à la Shortridge High School d'Indianapolis. Là, il écrit pour le premier quotidien scolaire The Daily Echo. Il fréquente un temps la Butler University mais la quitte quand un professeur lui dit que ses histoires ne sont pas à la hauteur. De 1941 à 1942, il suit les cours de biochimie de l'université Cornell, tout en collaborant au journal étudiant le Cornell Daily Sun (la seule occupation intéressante de cette période selon lui), et il s'affilie, comme son père avant lui, à la Delta Upsilon Fraternity. Puis il entre au Carnegie Institute of Technology (devenu l'université Carnegie-Mellon) en 1943.
Après la guerre, Vonnegut fréquente l'Université de Chicago où il suit des cours d'anthropologie. Il travaille également pour le City News Bureau de Chicago comme correspondant judiciaire. D'après Vonnegut, l'université rejeta sa thèse sur les ressemblances entre la peinture cubiste et les soulèvements des Indiens d'Amérique au xixe siècle pour « manque de professionnalisme ». En 1947, il quitte Chicago pour Schenectady où il travaille au service des relations publiques de General Electric. L'Université de Chicago accepte finalement son roman Le Berceau du chat comme thèse en raison de son contenu anthropologique. Il est ainsi diplômé en 1971.
Sur le point d'abandonner l'écriture, Vonnegut se voit offrir un poste d'enseignant à l'Université de l'Iowa. Durant son séjour, Le Berceau du chat devient un succès commercial et il commence la rédaction d'Abattoir 5 ou la Croisade des enfants, maintenant considéré comme l'un des meilleurs romans américains du xxe siècle.
Pitch. Abattoir 5 retrace l’histoire de Billy Pélerin (double quasi autobiographique de Kurt Vonnegut), né à Ilium en 1922, fils unique du coiffeur de la petite ville. Appelé sous les drapeaux pendant la seconde guerre mondiale (comme assistant d’aumonier militaire...), il est capturé par les allemands et fait prisonnier dans un camp à Dresde. Démobilisé en 1945, il devient opticien, passe une petite dépression nerveuse dans un hôpital militaire, puis se marie, a bientôt deux enfants et fait fortune. De retour d’un congrès d’opticien il est victime d’un accident d’avion, tous les passagers périssent sauf lui. Pendant qu’il est à la clinique, sa femme meurt. Il ne reprend pas son activité en sortant de l’hôpital mais va tout droit à New York. Là, il participe à une émission de radio où il révèle avoir été enlevé par une soucoupe volante en 1967 et amené de force sur la planète Tralfamadore. Objet de spectacle, montré nu dans un zoo, les trafalmadoriens le feront s’accoupler avec une terrienne, ancienne actrice de cinéma, elle-même kidnapée, avant de le relâcher. De retour sur terre, il comprend que les années qu’il a passé sur Trafalmadore n’ont été chez lui que quelques secondes. Bien sûr, Billy ayant atteint l’âge de quatre-vingt six ans, tout le monde est persuadé qu’il a définitivement perdu le sens des réalités et que la sénilité avance à grands pas. Mais Billy insiste pour remonter dans le passé et raconter son histoire, notamment sa vie de soldat et, ce faisant, il ne va plus cesser alors d’effectuer des sauts dans le temps, évoluant et vieillissant, ou régressant vers son enfance.
Ce sont ces différents épisodes, et principalement celui de la seconde guerre, de l’emprisonnement et du bombardement de Dresde qui font la trame quelque peu décousue, ironique et pleine d’humour de ce roman étonnant où les saynètes se multiplient et s’enchevêtrent. Dans ce livre, Kurt Vonnegut utilise les méthodes de la Science-fiction pour permettre les continuels flash-back du personnage, mais aussi pour ouvrir une faille, une sorte de décalage narratif dans le récit principal, sous-titrés « La croisade des enfants », et qui est peut-être avant tout une formidable dénonciation des tueries organisées par les hommes, et le plus souvent par des appelés de dix-huit ans à peine... Un des plus étonnants chefs-d’œuvre de la littérature de guerre américaine. Vonnegut emprunte la liberté de mettre en scène des épisodes merveilleux (proches de la Science-fiction) qui viennent contrebalancer l’errance misérable d’un « brave soldat » yankee, que le vent imbécile des tueries modernes ratatine de froid et de peur au fond d’un abattoir de Dresde, sous une pluie de bombes...
Ce que j'en ai pensé. Roman très largement auto-biographique où l'auteur cherche à raconter la manière dont il a vécu et ressenti cet épisode de la deuxième guerre mondiale : le bombardement de Dresde qui fit autant de victimes civiles qu'Hiroshima. Prisonnier de guerre, il travaillait alors dans un abattoir désaffecté.
Le récit est intéressant à plus d'un titre, notamment par le fait qu'il ne juge pas l'acte en lui-même mais dénonce plus largement les crimes de guerre en tout genre.
Quant à l'aspect science-fiction, il est là uniquement pour servir son propos et justifier les allers et retours dans le temps qui parsèment le roman.
Un très grand roman dans tous les cas.