Ivan Illitch
Daté de 1973, cet essai radical d'Ivan Illitch sur la société productiviste n'ai rien perdu de son acuité.
Quelques mots sur l'auteur. Ivan Illich (4 septembre 1926 à Vienne en Autriche - 2 décembre 2002 à Brême en Allemagne) est un penseur de l'écologie politique et une figure importante de la critique de la société industrielle.
Ivan Illich poursuit son éducation à Florence, où il participe à la résistance italienne. Après la guerre, il étudie la cristallographie, la théologie et la philosophie à l'université grégorienne de Rome. Le Vatican le destine à la diplomatie, mais il choisit de se tourner vers la prêtrise. Il dira sa première messe dans les catacombes dans lesquelles les chrétiens romains fuyaient les persécutions.
En 1961, il fonde le Centre pour la formation interculturelle à Cuernavaca qui deviendra le fameux Centro Intercultural de Documentación (CIDOC). Ce centre fonctionnera de 1966 à 1976. Après sa fermeture, Illich reviendra vivre en Europe et il enseignera notamment l’histoire du haut Moyen Âge à Brême, en Allemagne.
Il décède en 2002 des suites d'une tumeur qu'il a volontairement choisi d'assumer jusqu'au bout sans vouloir l'opérer, considérant que les cancers étaient un exemple de maladie traitée de manière contre-productive (le patient meurt de guérir) par la médecine, et à laquelle il aura survécu vingt ans.
Pitch. « Si les outils ne sont pas dès maintenant soumis à un contrôle politique, la coopération des bureaucrates du bien-être et des bureaucrates de l'idéologie nous fera crever de "bonheur". La liberté et la dignité de l'être humain continueront à se dégrader, ainsi s'établira un asservissement sans précédent de l'homme à son outil. »
Dans ce texte phare, Ivan Illich amplifie et radicalise sa critique de la société industrielle. Dénonçant la servitude née du productivisme, le gigantisme des outils, le culte de la croissance et de la réussite matérielle, il oppose à la « menace d'une apocalypse technocratique » la « vision d'une société conviviale ». Ce n'est que par la redécouverte de l'espace du bien-vivre, qu'Illich appelait la convivialité, que les sociétés s'humaniseront.
Ce que j'en ai pensé. Ivan Illitch fait partie de ces auteurs dont j'ai toujours eu envie de lire la pensée, au même titre que Jacques Ellul ou Cornelius Castoriadis, sans vraiment avoir le courage de m'y mettre. Ayant eu l'occasion cette fois d'emprunter ce titre, j'allais pouvoir me faire une idée plus précise de ses idées.
De la notion de servitude face aux outils et à la technique, Il propose, non pas de renoncer à tout progrès, mais d'inverser le rapport de force et de se réapproprier l'outil, la notion étant à prendre au sens large. Il aboutit donc fort logiquement à la critique de la société industrielle, qu'elle soit capitaliste ou communiste car les deux étaient productivistes. Le propos est net, percutant et précis et très radical.
Les années 70 ont vu fleurir une critique radicale de la société de consommation, ainsi qu'un développement des problématiques liées à l'environnement. Cet essai s'inscrit donc parfaitement dans cette logique en centrant par contre le propos sur la servitude que cela engendre sur l'individu et donc la négation de sa liberté, voire de son humanité. Ce propos reste tout à fait valable aujourd'hui. Il est intéressant de noter que dans cette voie, le développement du logiciel libre, le DIY, la réparation d'objets trouvent un echo tout particulier et procède de cette convivialité que l'auteur développe.
La lecture de ce livre est donc particulièrement recommandable et son actualité toujours aussi brûlante.