Le temps magnifique au petit matin nous a convaincus de retenter l'ascension du mont Varden. Après un petit déjeuner plus classique et un peu moins copieux que d'habitude, étant donné l'opulence de celui de la veille au soir nous n'allions guère nous en plaindre (mais mon œuf était dur cette fois), nous reprenons notre périple vers la route de l'Atlantique, Kristiansund et Trondheim, non sans avoir récupéré quelques barquettes de smør pour notre frugal repas du soir.
Par ailleurs, Nous avons encore constaté la pauvreté de l'isolation acoustique des habitations norvégiennes. Avec l'absence de volets aux fenêtres, on se demande s'ils n'ont pas raté quelque chose de ce côté-là.
Le temps clément nous a permis d'observer à loisir une bonne partie des sommets promis par les guides (entre 87 et 220 d'ailleurs, ce qui montre bien l'extrême précision des données norvégiennes). Nous avons continué à le constater en cherchant la route pour Kristiansund qui n'était pas identifiée bien entendu, et après avoir tourné un bon moment dans la banlieue, nous avons fini par détecter sur l'une des cartes un nom de ville vu sur un panneau. La ville était d'ailleurs indiquée dans deux directions opposées, aussi avons-nous décidé de choisir celle qui avait le moins de chance de nous faire passer par un tunnel payant. L'argent liquide commençait à se faire rare malgré notre frugalité.
Il est à noter que l'on trouve souvent les routes indiquées soit avec un cadre plein soit par des pointillés. La signification semble varier avec le temps : parfois l'ancien itinéraire lorsqu'un tunnel s'est ouvert, parfois l'inverse... Ils sont comme ça les Norvégiens, comme dirait l'autre.
Tant bien que mal, nous sommes parvenus jusqu'à la route de l'Atlantique, après avoir laissé tomber le détour de 20 km pour aller voir une église en bois debout repérée au dernier moment. Nous avons joué à cache-cache avec le soleil et la pluie toute la journée. Cette route consiste en une série d'îlots rocheux reliés par des ponts très élancés et élégants. Après s'être dégourdis un peu les jambes au bord de l'océan, nous avons repris la voiture vers Kristiansund et notre premier ferry de la journée pris au dernier moment.
La ville est assez jolie mais souffre de la comparaison avec Bergen. Nous nous sommes contentés d'un rapide tour en ville et d'une montée sur le Varden local constitué surmonté d'une tour de guet. Le temps nous offrait un panorama correct sur la ville et les montagnes au loin. Kristiansund fait un peu penser à une ville américaine bien proprette avec des quartiers résidenciles aux maisons assez modernes et d'anciennes demeures rappelant un peu la Nouvelle Orléans. Et comme partout, on trouve des trampolines dans les jardins. Il est probable que l'on en trouve autant que des tables de ping-pong chez nous.
Le trajet dans la campagne offrait d'ailleurs le même type de paysage de petites fermes et de maisons bien tranquilles que l'on peut trouver dans les grandes plaines du Midwest. Le plus intéressant est sans doute de constater à quel point ils passent du temps à entretenir leur gazon, toujours impeccablement tondu, et leurs massifs de fleurs. Cela offre un contraste frappant avec la nature sauvage autour, comme s'ils cherchaient à lutter et s'approprier le moindre mètre carré.
Après avoir eu encore un peu de mal à quitter la ville, nous avons trouvé de magnifiques paysages de fjords et surtout de lacs de montagne couverts de petits îlots rocheux peuplés de sapins. Cette fois, cela faisait penser aux paysages de la Nouvelle Angleterre où les hommes vont se reposer pour les vacances ou le week-end avec leur famille (comme dans Calvin et Hobbes) en arrivant dans un cabanon sentant bon le renfermé sur un îlot forestier ; un coin idéal pour les pêcheurs.
Nous devions le soir dormir à Orkanger à une quarantaine de kilomètres de Trondheim, ultime étape de notre voyage. Nous logions dans un vieux manoir de style rococo bavarois avec des boiseries sculptées de partout et d'authentiques et kitschissimes tabourets avec des pattes de rennes en guise pieds et le siège recouvert de peau. Une horreur absolue, le genre de chose que l'on ne peut trouver que dans un dépot-vente et dont personne ne voudrait chez soi (de plus, il est probable que cela se vende très cher). La suite royale que nous occupions modestement est assez grandiose dans son style : boiseries au mur et plafond, lit spacieux et pour une fois constitué d'un matelat unique et non de deux accolés (voire de deux lits simples). Par contre, les couettes sont toujours individuelles.
La localisation de l'hôtel est par contre curieuse pour un tel établissement car située en pleine zone commerciale. La modernité l'a rattrapé. L'siloation phonique est par contre toujours aussi déplorable.
La réceptionniste avait l'air perplexe devant notre réservation et après quelque hésitations a fini par nous conduire à notre chambre. Le temps était venu ensuite de découvrir Trondheim. Une succession de tunnels et de péages problématiques nous a conduits au cœur de la troisième ville du pays, ancienne capitale royale. Bergen nous ayant particulièrement marqués, Trondheim fut assez décevant dans l'ensemble mis à part la cathédrale Nidaros, en parfait état, dont les statues et gargouilles sont splendides. Les vieux entrepôts du port, après avoir servis de logements aux ouvriers, sont maintenant reconvertis en boutiques et appartements pour bobos locaux. Les vieux quartiers d'habitations sont sympathiques mais ne valent pas ceux de Bergen, peut-être du fait de l'inclinaison des lattes de bois (verticale à Trondheim), ce qui donne moins de charme aux maisons. De plus, la pluie nous a rattrapés.
Là encore, une bonne partie de la ville est en travaux de rénovation. Ce que l'on avait pris au départ à Bergen pour une simple particularité locale est en fait une généralité toute norvégienne. Les boutiques ferment là aussi à 17 h. Nous sommes donc bien vite repartis pour manger notre maigre repas de brød et de smør emprumpté le matin. Nous en étions réduits à de telles extrémités afin de pouvoir payer en liquide le péage du lendemain. Ceci dit, la vue depuis le petit port où nous étions installés était bien agréable. Nous sommes ensuite retournés tranquillement profiter de notre dernière nuit en Norvège dans notre manoir bavarois (chercher l'erreur...).
On peut en tout cas rajouter un lieu commun auquel nous avons échappé : les moustiques. Nous n'en avons pas croisé un seul. Peut-être que si nous étions restés un peu plus près des lacs ou dans les hauteurs des monts surplombant les fjords, nous aurions été submergés.