Nous quittons Sogndal et son fjord majestueux dans la brume d'altitude et sous une pluie fine après s'être rempli la panse de brød et smør. La route sera longue à travers le glacier du Josteldalsbreen pour finir par la grandiose traversée en ferry sur le Geirangerfjorden.
Pour changer, nous avons commencé notre route par des tunnels. Ils ont dû payer une armée de nains pour percer tout leur pays (je pense que la Norvège doit être surnommée l'emmenthal du nord par les Suisses). Le trajet nous a tout d'abord conduits à Fjaelig;rland, au pays des glaciers et un vague sentier, probablement une départementale selon la terminologie locale, nous a menés à un troupeau de vaches gardant farouchement l'entrée de leur sanctuaire de glace. N'écoutant que notre courage, nous avons rebroussé chemin sous leurs regards goguenards pour trouver plus loin un bras du glacier plus accessible (Supphele).
Nous avons là pu constater que le glacier recule, probablement à cause des vaches également. Nous nous sommes ensuite définitivement éloignés du Sognendfjorden pour découvrir une autre particularité des routes norvégiennes : le bétail sur la chaussée (vaches, moutons, chèvres). Cela ne semble gêner personne et de toute manière, les gens n'ont pas le choix.
Après quelques lacs enchanteurs au pied du glacier, nous avons traversé, toujours sous notre plafond brumeux qui donne à cette journée son caractère magique, la fameuse vallée humide. Non qu'il y pleuve vraiment plus qu'ailleurs (on n'est pas à Bergen tout de même) mais les flancs abrupts des montagnes riveraines ruissellent en cascades, rivières, ruisseaux, et l'ensemble de la végétation, rochers et autres anciennes bâtisses en ruines sont recouverts d'un épais tapis mousseux d'un vert presque fluorescent. On pouvait presque s'attendre, vu la féérie des lieux, à voir surgir elfes et statues d'antiques civilisations disparues sorties tout droit d'un récit de Tolkien.
Par la suite, nous avons rejoint pour le longer un moment le Nordfjorden jusqu'à la station de ski d'été de Stryn. De là, il ne nous restait plus guère que le lac Hornindal pour plonger enfin vers l'un des points culminants de notre voyage : l'arrivée à Hellesylt pour embarquer sur le ferry qui doit nous faire naviguer sur le Geirangerfjorden.
Effectivement, il vaut le déplacement entre les très nombreuses cascades (les septs soeurs, le prétendant, le voile de la mariée, etc.), le fait qu'il soit très encaissé et les fermes abandonnées dans des endroits vraiment inaccessibles. Certains devaient même aller chercher leur eau potable de l'autre côté du fjord, d'autres attachaient leus enfants avec des cordes quand ils sortaient dans le jardin et certains, qui avaient installé une longue échelle pour atteindre la côte, devaient l'enlever lorsque venait le collecteur d'impôt... Bref, ce sont des gens compliqués.
L'hôtel a également réservé son lot habituel de surprises. Situé en hauteur par rapport à la ville (en fait un village) et au pied d'une cascade, il offre un panorama somptueux depuis notre suite (oui, grande chambre avec salon en boiserie, grand canapé et balcon, le tout dans les tons verts). Nous retiendrons donc de cette journée le troupeau de chèvres qui traverse le tunnel en face de nous, la vallée humide, le Geirangerfjorden et la chambre d'hôtel version suite royale. On prendrait presque goût à tout ce luxe et cette vie paisible.
Le repas fut comme d'habitude fort bon et je me suis même payé le luxe de prendre une bière (oui, c'est un pays où boire une bière est un luxe réservé aux princes). Ils avaient cette fois un bon choix de viandes et de desserts, si bien que Véronique a pu avoir son gâteau au chocolat et sa glace vanille, et moi ma viande de renne. Nous nous apprétons donc à passer une belle nuit au pied du fjord, bercés par le doux murmure de la cascade et rassurés par la présence de notre Ancien Testament dans le secrétaire.