Samuel Delany
Bien qu'assez ancien, ce roman a la mérite d'explorer un aspect souvent délaissé de la science-fiction, à savoir le langage.
Quelques mots sur l'auteur. Né dans une famille de la bourgeoisie noire de Harlem d'un père qui était propriétaire d'une entreprise de pompes funèbres, il épouse à l'âge de dix-huit ans la poétesse Marilyn Hacker, qui a le même âge. Ils ont une fille et divorcent en 1979. Dans son autobiographie de 1988, The Motion of Light in Water, Delany ne cache pas qu'il préfère les relations sexuelles avec les hommes. Hacker et lui sont désormais connus comme militants homosexuels.
Il publie son premier roman à l'âge de vingt ans et obtient rapidement plusieurs récompenses littéraires : le prix Nebula pendant deux années consécutives, en 1966 pour Babel 17 et en 1967 pour l'Intersection Einstein ; le prix Hugo en 1970 pour l'une de ses nouvelles, Le temps considéré comme une hélice de pierres semi-précieuses. Il est alors unanimement présenté comme l'un des meilleurs espoirs de la nouvelle science-fiction américaine. Il rend hommage à des auteurs comme Theodore Sturgeon et Robert Heinlein.
Il se détourne néanmoins peu à peu de la science-fiction pour se consacrer à une carrière universitaire. Il enseigne l'écriture à de jeunes auteurs, d'où sortira Vonda McIntyre. Il publie encore quelques œuvres mineures, notamment une incursion dans le domaine de la science fiction pornographique en 1973 avec Vice-versa (éd. Champ libre), qui est pour lui l'occasion d'affirmer sa bisexualité.
Il accomplit son retour en 1975 avec Dhalgren et montre le résultat de ses recherches formelles. Retour confirmé avec Triton puis Stars in my Pocket like Grains of Sand (1984). Il poursuit parallèlement un cycle de fantasy, Nevèrÿon (1979-1987). Il se dit alors plus proche d'auteurs comme Joanna Russ ou Ursula K. Le Guin.
Dès 1977, il publie des essais sur la science-fiction, comme The Jewel-Hinged Jaw, et plusieurs recueils d'articles sur la paralittérature ou les queer studies. Il devient titulaire d'une chaire de littérature comparée à l'université du Massachusetts en 1988. Depuis 2001, il enseigne à l'université Temple de Philadelphie (Pennsylvanie).
Pitch. Depuis des mois, la Terre et ses planètes, unies au sein de l'Alliance, subissent les attaques meurtrières d'insaisissables Envahisseurs. Et avant chaque coup de main, les réseaux radio de l'Alliance sont neutralisés par d'inintelligibles messages surnommés Babel 17.
Qu'est-ce que Babel 17 ? Un code dont on ne parvient pas à trouver la clef ? La langue d'une civilisation ignorée ? Ou encore un super-langage dépassant tous les modes de pensée connus ?
La belle Rydra Wong, une célèbre poétesse qui maîtrise une dizaine de langues — terrestres et extra-terrestres — peut seule sans doute résoudre l'énigme. Elle va partir pour un aventureux voyage dans la Galaxie, à bord de l'astronef Rimbaud...
Et si Babel 17 était l'arme absolue ?
Ce que j'en ai pensé. En un roman relativement court, l'auteur parvient ici à décrire un univers très riche sous une apparence de space opera classique et à développer une intrigue qui maintient le lecteur en haleine pendant toute la seconde partie du texte. Après une mise en situation mettant en scène une héroîne (ce qui n'est d'ailleurs pas si courant pour l'époque) chargée de sauver le monde, ou du moins d'aider à déchiffrer un code lors d'une guerre, la suite est un mélange d'action spatiale et de réflexion philosophique sur le langage et son implication dans la psyché humaine.
C'est donc un roman fort intéressant par un auteur très original et qui a reçu le prix Nebula ex aequo avec Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes ce qui n'est tout de même pas rien. Il est tout à fait représentatif des années 70 où de nombreux auteurs explorent de manière plus approfondie les science humain pour offrir un regard différent sur la science-fiction après une époque marqué par la peur de l'envahisseur.